« Dis, Papi…? »

- Mon petit Papi, explique moi pourquoi vous dites, Mamie et toi, que vous perdez la mémoire, alors que vous  êtes capables de nous captiver avec vos récits de voyages ?

- Ecoute, si tu veux bien lâcher ton ordinateur, je vais essayer de t’expliquer :

En ce moment, je suis très soucieux et fatigué, à cause de la maladie d’Alzheimer de ta grand-mère. Ma mémoire fonctionne mal parce que j’ai la tête ailleurs. Je ne fais pas assez attention à ce que je fais et je passe mon temps à chercher les choses ou à me demander ce que j’étais venu faire. Ce n’est que passager et cela ira mieux quand j’aurai un peu d’aide et de temps pour souffler.

Pour Mamie, c’est plus compliqué. Elle a une maladie qui a détruit un territoire profond du cerveau, l’Hippocampe. C’est un endroit qui sert à faire fonctionner la mémoire, un peu comme quand tu entres des données dans ton ordinateur, pour qu’il les stocke.

- A propos d’hippocampes, comment fait-elle pour raconter en détail vos pêches miraculeuses ou les aventures de nos vacances, quand on était enfants ?

- C’est là que ça devient compliqué. Ta grand-mère n’a plus cette mémoire qui lui permettrait de retrouver ce que je viens de lui dire, mais elle peut rappeler ses souvenirs de jeunesse, dans la conversation, ou quand on lui demande. 

Tout se passe comme si mémoriser des choses nouvelles dépendait d’un processeur central, l’Hippocampe. S’il tombe en panne : la capacité à mémoriser disparaît. 

Les souvenirs, eux, semblent faits de la rencontre instantanée de sensations multiples, auditives, visuelle, olfactives, tactiles, agglomérées par l’émotion qu’ils suscitent. 

Ces perceptions sensorielles sont chacune enregistrées par des zones dispersées dans plusieurs endroits du cerveau qui leur sont dévolues. C’est comme lorsque tu archives un dossier dans le Cloud. Il est fragmenté en morceaux qui vont dans des sites de stockage dispersés. 

On peut imaginer que sur demande, le cerveau soit capable, grâce  à un processeur annexe, de rassembler les perceptions sensorielles qui constituaient le souvenir, sans avoir besoin du processeur  central de la mémoire, de la même manière que ton ordinateur va chercher les morceaux d’un dossier dans tous les sites de stockage dispersés dans le Cloud, pour le restituer sur ton écran, sans puiser dans la mémoire centrale de l’ordinateur.

Cela pourrait expliquer que même si la mémoire immédiate disparait, le rappel des souvenirs reste longtemps possible. Cela expliquerait aussi que l’émotion suscitée par un stimulus sensoriel, un parfum, une mélodie…, soit si efficace pour déclencher le rappel des souvenirs.

-J’ai compris ! Et tu te rappelles qui chantait « J’ai la mémoire qui flanche » ?